Dossier : Ces marques qui n'ont JAMAIS fabriqué de montres à quartz
Il fut un temps où les machines qui maintenaient en vie les montres-bracelets mécaniques ont bien failli disparaître. Alors que le quartz montait en puissance, les gens se débarrassaient de leur remontoir comme on jette un masque usagé en pleine pandémie de Covid, et les fabricants établis de longue date se démenaient pour s'adapter à la nouvelle réalité.
Un grand horloger a même ordonné à ses employés de mettre au rebut les vieilles machines utilisées pour fabriquer le plus célèbre mouvement de chronographe jamais inventé (vous voyez sûrement de quoi je parle, le Zenith).
Les marques devaient changer ou mourir. On pourrait donc penser que tous les grands noms de l'horlogerie, dont l'histoire remonte à des décennies, voire des siècles, ont au moins quelques modèles à quartz dans leur catalogue.
Eh bien, ce n’est pas le cas. Alors que certaines marques ont adopté le quartz et que quelques-unes, comme Rolex, ont fait des essais plus que timides avec cette technologie, d'autres peuvent sincèrement affirmer qu’à ce jour, aucune pile à quartz n'a alimenté un seul modèle de leur catalogue.
Examinons trois de ces marques et découvrons pourquoi elles n’ont pas fabriqué de montres à quartz.
Panerai
De 1938 à 1994, Panerai a eu une production étrangement intermittente. Pendant toute cette période, elle n'a fabriqué qu'environ 350 montres pour les plongeurs de l'armée italienne, ce qui signifie que les modèles vintage authentiques sont extrêmement rares. Après la Seconde Guerre mondiale, ses modèles les plus connus, la Luminor et la Radiomir, sont restés pratiquement inchangés jusqu'en 1993, date à laquelle elle a enfin commencé à approvisionner le marché civil, bien qu'en nombre limité.
Si les années 1970 ont été une période stérile pour Panerai, c'est moins en raison de la crise du quartz que du fait que les contrats militaires lucratifs sur lesquels elle comptait autrefois se sont taris, cette décennie ayant été relativement pacifique, du moins en Europe.
Panerai était donc une entreprise bien trop petite pour acheter des mouvements à quartz en gros, et elle a continué à sous-traiter les mouvements mécaniques en très petit nombre. Lorsque Panerai a été relancée en 1993, la crise du quartz était terminée et la marque se concentra sur son savoir-faire, fabriquant uniquement des montres mécaniques et lançant son premier mouvement maison en 2005.
Blancpain
« Il n'y a jamais eu de montre Blancpain à quartz et il n'y en aura jamais », déclarait un Jean-Claude Biver provocateur lorsqu'il racheta en 1982 avec Jacques Piguet la marque endormie pour la somme dérisoire de 16 000 dollars. Dix ans auparavant, Blancpain, le plus ancien horloger du monde, avait été mis KO par le quartz, et même lorsque Biver l'a ressuscité, les perspectives des montres mécaniques étaient loin d'être roses. Le quartz était encore roi à l'aube des années 1980.
Biver était cependant convaincu qu'il y aurait toujours un marché pour les montres mécaniques et son rejet catégorique du quartz - considéré comme une folie arrogante par certains - est devenu l'un des atouts de Blancpain. De plus, Biver a insisté sur le fait que Blancpain devait se concentrer sur les complications haut de gamme fabriquées de manière traditionnelle, comme les répétitions minutes, les phases de lune et les calendriers perpétuels. Blancpain, désormais aux mains du Swatch Group qui l'a racheté en 1992, a célébré le 40e anniversaire de sa renaissance en 2022 et, fidèle à la parole de Biver, aucune montre à quartz n'a été produite.
A Lange & Söhne
Imaginez que vous regardiez le fond du boîtier d'une A. Lange & Sohne et que vous vous retrouviez face à face avec une pile à quartz, une pile qui aurait remplacé les ponts somptueusement gravés et les balanciers d'un mouvement mécanique. C'est un scénario qui donne des frissons. Pourtant, tout cela aurait pu être très réel si la Seconde Guerre mondiale avait pris une tournure légèrement différente et si les Russes n'avaient pas plongé la marque dans le coma en confisquant ses machines.
Comme le personnage fictif Rip Van Winkle qui a dormi pendant vingt ans et a manqué la Révolution américaine, les 45 ans de sommeil de Lange lui ont permis d'échapper aux horreurs de la crise du quartz, émergeant en 1990 dans un monde où les montres mécaniques avaient à nouveau le vent en poupe. Les modèles Lange de nouvelle génération ont toujours été dotés de mouvements à remontage manuel ou automatique finis à la main, des œuvres d'art en soi, et toutes les autres marques de Glashütte ont suivi l'exemple de Lange.
Cela dit, si Lange se décidait un jour à fabriquer une montre à quartz - ce qui est aussi probable que de voir Lamborghini fabriquer des ordinateurs portables - ce serait sûrement un chef d'œuvre à l’image de la Elegante de F.P Journe, un modèle qui a prouvé que les montres à pile pouvaient être belles.